Catherine LE DUC

Artiste photographe

PHOTOGRAPHIE NUMÉRIQUE

Issue d’une famille de taiseux, la parole était rare et réservée aux adultes. “Tais-toi” était le premier commandement. “Ne touchepas” était le deuxième, il ne restait que la vue : Impossible d’empêcher le regard. Découverte de la magie de l’image, celle que l’on crée, qui s’impose, l’image fugace, les regards échangés, l’image rémanente que seule la rétine a décelée, furtive, pâle ou colorée, l’image que l’on voudrait fixer pour une éternité à échelle humaine.

Je suis donc tombée dans la photo toute petite, avant même de recevoir mon premier appareil pour mes dix ans. Trois photos sur une seule image, l’une de 8cm X 8cm et deux de 4cm X 4cm. Les couleurs, aujourd’hui, sont délavées, jaunies et ont la texture du passé.

 

Premier salaire à 16 ans et premier vrai appareil photo, découverte de l’argentique, bonheur de la qualité rencontrée mais le coût des tirages limite le droits à l’erreur. D’où l’inscription dans un labo photos, ou quelques fous, plutôt taiseux eux aussi, échangeaient leurs photos, des conseils, des compliments et réalisaient ou apprenaient à réaliser les différents tirages.

 

Née sous la pluie normande, avec quelques grains de gros sel breton dans les veines, j’ai vite découvert ma  fascination pour l’eau. Source de vie, polymorphe, polychrome, faiseuse de nuages, faiseuse de monstres ou de beauté dans les reflets volés aux objets, l’eau est ma première source d’inspiration. Impossible de la dissocier de la lumière qui donne, forme à la matière, transparences et contrastes.

 

L’ère du numérique libère de l’angoisse de la photo ratée. Multiplication des clichés puis la belle surprise de découvrir dans une série LA photo attendue, celle entrevue un court instant qu’on a réussi à fixer. Dans une seconde, la scène sera à jamais conjuguée au passé, n’aura existé que pour le gros oeil de l’appareil. Aussi éphémère qu’une vie, aussi belle, aussi essentielle. Témoin d’une seconde d’éternité.

 

Quelques voyages également, des paysages mais aussi et surtout, de multiples lumières qui réveillent la curiosité du photographe. Et en fin, des femmes, des hommes, des regards, des visions différentes qui ouvrent les espaces, éclairent l’image, offrent d’autres défis, d’autres envies.

J’ai rejoint le photo club de Rouen cette année, la retraite m’offrant du temps pour améliorer ma technique et pour échanger avec des taiseux et des bavards.

Catherine Le Duc